18. Pourquoi?


Cela fait bien longtemps que je n'ai pas écrit le moindre mot sur ce blog et je me demande bien pourquoi... Le manque de temps? Sûrement pas, je suis de ceux qui regardent le temps défiler lentement et sûrement au rythme des actualisations mensuelles auprès de notre précieux pôle-emploi, celui qui nous délivre notre maigre rémunération que nous nous empressons de dépenser dans cette société de consommation et dont nous sommes devenus malgré nous les piliers.
Oui, je me demande bien pourquoi... Pourquoi écrire sur un blog qui ne sera lu que par quelques badauds de passage et qui au final ne sera d'aucune utilité...
Ni pour moi, ni pour vous, ca ne sera qu'un torchon de plus parmi tous ceux qui pullulent déjà sur cette toile que l'on surnomme internet.
Aurais-je perdu la raison? Mon esprit me jouerait-il des tours? Ou encore suis-je en train de devenir fou?
Rien de tout ca rassurez-vous, ou du moins la folie n'a pas encore pris possession de ce qu'il me reste de raison et de bon sens.
N'ayez pas peur, ce sont là des questions bien sensées que je me pose, comme tout être humain, je m'interroge sur le sens de mes actes, je me demande ce qui peut bien me pousser à faire telle ou telle chose, quel est bien ce moteur qui me pousse a écrire ce ridicule témoignage, cette tranche de vie centrée sur ce fait de société qui aujourd'hui nous réunit et que l'on nomme plus communément l'adoption.

S'il y a vraiment un mot que je déteste au plus haut point et qui aura marqué toute mon existence, c'est bien celui-ci...

Dès le premier instant où mes petits souliers se sont posés sur le tarmac de l'aéroport Roissy Charles-de-Gaulle, lors de mon arrivée en France, le mot ADOPTE n'a eu de cesse de résonner dans mes tympans et au plus profond de mon être...
Vous n'imaginez pas la souffrance et le désarroi que peut ressentir un petit garçon, seul, ou presque, perdu dans un monde si étrange pour lui, privé de ses repères et de son univers familier, regardant, les yeux vitreux et l'air hagard cet homme et cette femme si différents de lui qu'il devra appeler papa et maman pour le reste de son existence, sans comprendre ces gens et ce pays qui sont si différents de lui...

Et il a fallu se forger une identité avec ce nom et ce prénom aux sonorités si françaises... Oui, je m'appelle Benjamin, cela vous choque?? Ah, c'est que j'ai le teint mat, les cheveux noirs et les yeux bridés...Je comprends votre désarroi, il est source de mon instabilité actuelle, et l'origine de mon mal de vivre indéfinissable... Par chance, mes parents ont fait inscrire à l'état civil de notre 2eme patrie mon nom d'origine (qui m'a probablement été donne par le directeur de l'orphelinat) en 2eme prénom... en quelque sorte mon nom ''d'autochtone''... le pauvre petit... pour ne pas le couper définitivement de sa culture d'origine...il est si fragile... et si mignon...

J'ai eu conscience très tôt de ma différence vis-à-vis des autres enfants. Quand à l'âge de 7 ans et en classe de 6eme, on m'a fait jouer le rôle de Raimu dans la partie de carte de Marcel Pagnol, ou encore danser la farandole habillé en provençal pour le spectacle de fin d'année, je peux vous assurer que le dépaysement culturel se fait ressentir, à tel point que lorsque on voit un petit ''chinois '' déguisé en provençal, la première impression que l'on ressent, c'est que c'est tellement hilarant qu'on se demande quel est le professeur qui a eu cette idée géniale, car grâce à lui le spectacle des morveux de fin d'année a cette fois-ci une touche décalée et exotique... Merci maîtresse!!

Plus tard, quand il a fallu expliquer a ces êtres insignifiants et si terre-a-terres la raison de mon existence, et lorsque l'on me demandait pourquoi mes parents étaient venus en France, et si ma mère nous faisait beaucoup de riz a manger; il a fallu que je sorte au plus profond de mes tripes et que je réponde cette phrase qui peut vous paraitre anodine mais qui m'a pourtant tant marquée: "Ma mère est Française et j'ai été ADOPTE..Je suis Coréen d'origine mais je suis Français même si mes yeux ont l'air de dire le contraire... Je vous emmerde monsieur''...

Adopté rime avec souffrance ... enfin pour moi, la souffrance a pris le pas sur le bonheur qu'une adoption est censée procurer... Alors oui, adopter un enfant c'est beau!! C'est en soi une noble cause, et un acte d'une grandeur extrême, et je veux remercier ce soir tous les parents qui on fait ce geste pur et si... respectable, a commencer par les miens, en particulier ma mère, que j'aime, et qui sera à jamais la seule et unique mère, celle que j'aime, chérit et respecte par dessus tout. Vous n'avez rien à vous reprocher, vous nous avez fait don de votre amour et c'est la plus belle chose que nous n'aurions jamais pu espérer nous, pauvres ''Rémi-sans-famille''...

Mais, l'explosion qu'a crée cet abandon résonne encore dans nos cerveaux et l'écho de celle-ci marquera à jamais la fibre existencielle de nos êtres encore et encore, toujours et toujours, comme une lame qui crève nos coeurs, malgré l'euphorie des tourbillons de la vie...

Je commence enfin à comprendre ce qui me pousse à raconter publiquement et sans pudeur l'histoire qui me ronge et me fait vibrer tout en libérant ma rage.

Elle est si importante que vraiment, l'heure n'est pas aux interrogations, il faut que je vous raconte...

17. C'est parti pour apprendre le Coréen!!! 한국말을 공부하자!!!


Le Coréen... Quelle merveilleuse langue, si chantante et si particulière... C'est ma langue maternelle, enfin c'était...jusqu'à 4 ans...
Enfant, je parlais donc Coréen comme un petit peu parler a cet âge la, mais lorsque je suis venu en France, j'ai appris très rapidement le Français et n'ayant personne avec qui parler le Coréen, tout ce que je savais s'est effacé progressivement de ma mémoire jusqu'à ne plus savoir dire un mot en Coréen...
Si, il y en avait deux que mes parents avaient retenu parce que j'arrêtais pas de leur dire étant enfant, c'est "pihainggi"(avion) et "tong-tong"(caca)... Oui, l'avion m'avait fasciné et oui quand je devais faire une "grosse commission"je savais me faire comprendre...
A part ça et jusqu'à l'âge de 26 ans le Coréen c'était vraiment du "chinois" pour moi et ça ne m'intéressait pas du tout. Je ne voulais même pas en entendre parler a vrai dire.
Jusqu'au jour ou j'ai eu envie d'aller en Corée, 6 mois avant je suis allé acheter un livre, une méthode rapide pour apprendre le Coréen en 10 jours!!!!!
J'ai essayé et je peux vous assurer que c'est pas vrai...(ils mériteraient que je portes plainte pour publicité mensongère ceux la!!). Mais comme je ne connaissais pas le "hangeul"(alphabet Coréen) je me contentais d'apprendre avec la transcription en lettres normales...Résultats des courses j'ai appris 3 phrases en 3 mois car je ne comprenais rien du tout... Et le "hangeul" me faisait tellement peur que je me disais que définitivement le Coréen n'était pas fait pour moi...
Mais soudain, tout a changé... En Corée, l'association "Nestkorea"m'a proposé de prendre des cours de Coréen pour commencer a apprendre et j'ai bien sur accepté de me rendre dans les bureaux de l'association. Une jeune étudiante venait spécialement pour me donner des cours particuliers et c'est elle qui m'a ouvert la voie de l'apprentissage du Coréen. Enfin elle mais pas seulement... ce qui m'a permis de vraiment pouvoir commencer a apprendre, ce qui m'a donné la motivation d'aller plus loin... c'est...un livre pour enfant (de 3 a 5 ans)!!!!!!
Oui, oui, avec ce livre et avec l'aide de ma gentille prof, j'ai pu en 2 cours seulement apprendre le "hangeul", ce qui est la base lorsqu'on apprend le coréen.
Oh vous pouvez rigoler, j'en ai d'ailleurs beaucoup ri moi même mais je vous assure qu'il y a pas mieux que ces petits livres pour enfant... Je sais, quand on a 26 ans et qu'on est en train de transpirer a grosses gouttes sur un bouquin pour gosses, ça fait un peu comment dire, attardé???
mais que voulez vous il faut un début a tout et on a rien sans rien...
Je me revois dans les rues de Séoul en train de lire tout ce que je voyait en épelant chaque lettre, mais tellement fier de moi...

Depuis, j'ai persévéré et maintenant, j'arrive a m'exprimer simplement et a comprendre un peu. Mais la sonorité de la langue est tellement différente du français que c'est vraiment dur de comprendre un coréen qui parle a toute vitesse... La grammaire aussi est très différente, il faut penser a l'envers en mettant les verbes a la fin de la phrase...Bref tout est différent du français et je n'en suis encore qu'a mes débuts, mais maintenant que j'ai commencé, je ne peux plus m'arrêter...c'est tellement passionnant...Je compte d'ailleurs retourner en Corée y apprendre la langue a l'université...C'est presque gratuit pour nous les "adoptés"(il faut de renseigner auprès de "inkas", une association pour les adoptés).

Nam so jung, un grand merci pour les heures passées avec moi a me faire réciter "giyeok"," nieun","digeut"...
et a me dire "c'est bien, c'est bien!" alors que je bafouillais avec toi mes premiers mots en coréen... et promis, la prochaine fois que je te revois a Séoul, c'est moi qui t'apprendrai le français!!!!!! arasso??

16. Ambiance familiale


Retour au koroot pour y passer la soirée et dormir... enfin dormir... si on veut... ici les soirées se font autour de verres de soju et bien souvent on fini... bourré...
Quelle ambiance, c'est génial de se retrouver entouré de personnes comme soi, de pouvoir partager ce que l'on ressent, discuter des problèmes que l'on a rencontré. Alors que pendant longtemps je pensais être le seul a vivre cette situation et que je n'avais personne avec qui partager ce que je ressentais, tout a coup je suis avec des gens qui vivent la même situation, alors forcément on se comprend mieux...
Il y a des français, belges, américains, suédois... des adoptés viennent des 4 coins du monde ici, et bizarrement, on se sent tous très complice, un peu comme des frères et soeurs (qu'on aurait aimé avoir). Certains comme moi viennent passer des vacances et découvrir le pays, d'autres y vivent pour un temps et étudient le coréen a l'université; d'autres encore donnent des cours d'anglais mais tous redécouvrent cette culture longtemps enfouie en soi.
Les rencontres que j'ai faites ici resteront gravées a jamais, et le fait de ne plus se dire qu'on est plus le seul a avoir ce problème m'a aidé dans ma quête de réconciliation avec moi même...

Amis du koroot, vous me manquez tous...

15. Gyeongbokgung 경복궁

Après cette matinée riche en émotion et ce repas gargantuesque mais succulent, j'ai décidé d'aller faire un petit tour en solitaire et en rentrant au koroot, il y a le fameux palais de Gyeongbokgung... petite visite en image de ce lieu en plein coeur de Séoul mais pourtant si typique...





















14. Le RDV a la HOLT

Après mes petites péripéties, nous cherchons activement le bâtiment de la HOLT, pas facile a trouver, vu qu'en Corée les adresses ne correspondent pas a l'ordre des numéros... un vrai casse tète chinois ( Coréen pour le coup).
Me voici donc dans le bureau de Mme Park, accompagnée de ses assistants. Un dossier est posé sur la table, il s'agit du mien... la pression monte et mon coeur s'emballe... pourquoi?? alors que je n'attend rien de spécial et que je ne fais pas d'illusions... c'est bizarre, je suis quand même anxieux et impatient de savoir ce qu'il en ait.
Mais en quelques mots, je comprend vite qu'ils n'ont aucun éléments et que leur dossier est le même que le mien, a l'exception de cette petite fiche que je n'avais pas... aucune information concernant la famille, rien de rien... le vide absolu...
même si je m'y attendais, j'ai la gorge un peu nouée... bon il me reste plus qu'a aller a Pusan voir l'orphelinat maintenant, on verra bien.
J'ai droit a un petit souvenir ( une carte de la Corée en drapeau ) et une petite visite des lieux...
un peu glauque voir ces petit qui pleurent; et je m'imagine a leur place... et me dit que je suis passé par la moi aussi, sur le coup ça me rempli de tristesse et j'ai presque envie de pleurer... vite vite il faut sortir de cet endroit maudit et passer a autre chose!!!
Heureusement qu'un bon repas nous attend dans les bureaux de NEST avec toute l'équipe et père Kim, allez aja aja fighting!!!!
J'ai pas eu de réponses et je m'y attendait, mais malgré tout je n'oublierai jamais ce jour et cette sensation de tristesse et de désarroi qui s'est emparé de moi... La route est longue et je n'en suis qu'au début...